Eglises d'Asie – Laos
Au séminaire de Thakhek, les étudiants manquent toujours de formateurs
Publié le 04/07/2013
Rapporté par l’agence Ucanews le 3 juillet dernier, le témoignage de l’un de ces enseignants (1), un prêtre d’origine vietnamienne, venu de la Thaïlande toute proche, illustre bien cette difficulté qui fait le quotidien des séminaristes laotiens. Invité à venir donner trois semaines de cours intensifs sur le thème de l’homélie, le P. Anthony Le Duc a raconté à son retour combien les séminaristes « étaient avides d’apprendre » et tentaient de surmonter les obstacles dus à la langue (l’enseignement est donné en thaï, alors que leur langue maternelle est le laotien), sans presque « aucun des outils nécessaires pour se former à la prêtrise, comme des ouvrages de commentaires sur la Bible, ou des cours de théologie ou de philosophie en ligne ».
Situé à Thakhek, dans le vicariat de Savannakhet, l’institut Saint-Jean-Marie Vianney est l’unique séminaire du Laos. C’est dans cette région que se concentre la majeure partie de la petite communauté catholique (un peu plus d’1 % de la population du Laos, bouddhiste dans son écrasante majorité), formée essentiellement de Vietnamiens et d’autres ethnies minoritaires.
Lors du lancement du grand séminaire, il avait été décidé que chacun des quatre vicariats du Laos fournirait des prêtres enseignants qui assureraient par roulement la continuité des cours à Saint-Jean-Marie Vianney. Mais, écrasés par leurs tâches pastorales, les formateurs pressentis avaient rapidement signifié leur impossibilité de participer au fonctionnement du séminaire tout en assumant leur charge au sein de leur diocèse où ils cumulaient déjà plusieurs fonctions. Pour tout le Laos, la communauté catholique ne disposait que d’une petite quinzaine de prêtres et de quatre évêques, dont Mgr Tito Banchong, unique prêtre et administrateur de son vicariat de Luang Prabang.
Quinze ans plus tard, la situation n’a guère changé. Le clergé, qui s’est un petit peu étoffé depuis, ne dépasse pas la vingtaine de membres, un nombre toujours insuffisant pour permettre aux prêtres de délaisser leurs charges pour enseigner à Saint-Jean-Marie Vianney.
« Je n’ai pas été invité [à donner des cours] parce que je suis un expert dans l’art de préparer des homélies, mais avant tout parce que le grand séminaire du Laos est depuis plusieurs années en grand manque de professeurs pour ses formations », explique ainsi avec lucidité le P. Anthony, de retour de sa session à Thakhek.
Né au Vietnam, le prêtre missionnaire a grandi et suivi ses études aux Etats-Unis, où sa famille est venue se réfugier après la chute de Saigon. Aujourd’hui membre de la Société du Verbe Divin (SVD), il a été envoyé par sa congrégation à Nong Bua Lamphu, au nord-est de la Thailande, où depuis cinq ans il est curé de la paroisse de l’archange Saint-Michel.
C’est son implantation dans cette région particulière de la Thaïlande qui a donné au P. Antony la possibilité de donner des cours en thaïlandais aux étudiants du grand séminaire. « Par la télévision et les autres médias, les Laotiens sont habitués au thaï, ils comprennent cette langue et peuvent la lire (…). De plus, le dialecte du nord-est de la Thaïlande où je sers en tant que curé de paroisse a de grandes similitudes avec le laotien, ce qui a rendu les choses plus faciles pour moi », explique le jeune prêtre vietnamien.
Une grande partie de la session du P. Anthony était consacrée aux exercices pratiques : les étudiants devaient notamment rédiger trois homélies (deux pour le dimanche et une pour un jour de la semaine) qu’ils devaient lire ensuite lors d’une célébration eucharistique ou devant leurs condisciples.
Les sermons étaient enregistrés pour pouvoir ensuite être commentés et retravaillés en classe. « Bien entendu, les homélies étaient écrites en laotien, rapporte encore le P. Anthony, mais avec le dialecte thaïlandais que j’avais appris à Nong Bua Lamphu, et l’aide des autres étudiants qui m’éclairaient sur tel ou tel usage d’un terme ou sur son contexte culturel, j’avais les éléments suffisants pour confirmer la première impression que j’avais eue du texte ».
Le dernier jour de la session, le formateur et ses étudiants se sont rendus dans un magnifique temple bouddhique au bord du Mékong afin de se recueillir et de méditer sur l’enseignement qu’ils avaient reçu. « Les séminaristes m’ont dit qu’ils avaient encore plus reçu de ces cours qu’ils n’en attendaient », se réjouit le prêtre missionnaire qui avoue avoir lui-même « beaucoup appris de ses étudiants et s’être ‘enrichi’ à leur contact ».
Le missionnaire reconnaît également avoir été très impressionné par l’enthousiasme et la bonne volonté des jeunes séminaristes « qui donnaient leur maximum » pour réaliser le programme qui leur était demandé, « malgré le fait qu’aucun d’eux n’avait à sa disposition dans sa langue, d’ouvrages de théologie ou d’exégèse, ni même d’aides aux homélies disponibles en ligne, comme cela est le cas un peu partout dans le monde ».
A l’heure actuelle, le grand séminaire de Thakhek compte environ une vingtaine de jeunes en formation, laquelle comprend un cycle de sept ans (trois ans de philosophie et quatre années de théologie).
Au Laos, l’Eglise catholique est, depuis l’arrivée au pouvoir des communistes en 1975 et l’expulsion des missionnaires du pays, sous la surveillance étroite du gouvernement et les déplacements des membres du clergé ou la construction de lieux de culte toujours soumis aux autorisations gouvernementales. Bien que la liberté religieuse soit inscrite dans la Constitution du pays, les autorités de chacune des provinces du Laos restent libres de l’appliquer ou non sur leur territoire. Il en résulte des vagues de répression antichrétiennes dans tout le pays, avec une censure religieuse encore plus marquée dans le Nord, en particulier dans le vicariat de Luang Prabang.